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25 octobre 2012 4 25 /10 /octobre /2012 23:39

7 novembre 1915,

Mon très cher Amour,

 

Mon cœur est glacé…

Je ne comprends pas…

Hier une jeune recrue a frappé à notre porte. Il était visiblement épuisé, je lui ai offert le gite et le couvert et après qu’il ait recouvré quelques forces il m’a demandé si j’étais bien Jeanne Legrand.

Il m’a annoncé qu’il était malheureusement porteur d’une bien triste nouvelle…

« Votre mari Victor Legrand est tombé au champ d’honneur le 20 septembre, l’armée française vous présente ses plus sincères condoléances »

 

Mais c’est impossible ! Tes lettres…

Elles sont bien là je ne les ai pas rêvées. Je les lui ai d’ailleurs montrées au petit jeune homme. Il m’a dit : «  je ne comprends pas Madame, on m’a missionné pour vous apporter la nouvelle, je n’en sais pas plus. Vous devez vous adresser au bureau des Armées pour éclaircir la situation. Gardez espoir, il y a peut-être eu une erreur… »

 

Dis-moi mon Amour que c’est une grossière erreur !

Dis-moi que mon rêve de l’autre jour n’était pas un funeste présage…

Je suis partagée entre l’angoisse tapie au creux de mon âme, prête à me dévorer et cet espoir fou qui papillonne sur mon cœur tel une plume.

Je t’en supplie dis moi que tu vas bien, dis moi que tout ceci n’est qu’un horrible cauchemar et que je vais ouvrir les yeux et découvrir ton beau visage souriant…

 

Je t’aime plus que tout…

 A très vite ?...

 

 

9 novembre,

Mon chéri,

 

Tu me manques encore et toujours et mon affliction grandit avec notre enfant.

Écris-moi, je t’en prie. J’ai si mal sans toi.

 

Je t’aime.

 

 

12 novembre,

Victor,

 

Où es-tu ?

Je t’aime à la folie…

 

 

 

 

14 novembre,

Chère Madame,

 

J’aurais tant aimé vous dire ce qui va suivre de vive voix. Malheureusement la guerre en a décidé autrement...


Il m’est très difficile de trouver les mots justes car je suis anéanti.

Vous le savez aujourd’hui et je vous le confirme, votre cher époux Victor est tombé au champ d’honneur. J’étais là au moment où il a été touché mortellement, il n’a pas souffert soyez en sûre. Cette matinée fut un véritable cauchemar pour notre armée et pour moi qui ai tant aimé l’ami Victor. Nous étions comme les 5 doigts de la main, inséparables. Je connaissais tout de sa vie. Il partageait avec moi ses joies et ses peines et je peux vous affirmer que vous étiez son plus grand bonheur et la source principale de toutes ses joies.

Chacune de vos lettres faisait rayonner son visage. Son allégresse était si grande alors qu’elle faisait le tour de notre petite troupe et tel les rayons du soleil apportait un peu de chaleur dans la froideur de nos jours. Victor vous aimait au-delà de ce qu’il est possible d’imaginer…

Quand j’ai fermé ses yeux après que le destin cruel eu fait son office, j’ai versé toutes les larmes que mon pauvre corps contenait. Mon désespoir s’est étendu par-dessus la plaine et ma plainte a fait taire les oiseaux alentours.

Puis les canons ont repris, il nous fallait courir à l’abri des tranchées. Je n’ai pas eu le cœur de laisser vos lettres à l’abandon. Puisque je ne pouvais rien faire d’autre que laisser là mon ami je me devais de garder ses lettres en souvenir afin qu’il continue de vivre à travers elles. J’ai donc pris la liberté de les garder et même je dois l’avouer aujourd’hui de les lires…

Et vos lettres Madame, ont été un baume pour mon pauvre cœur asséché par les horreurs de cette guerre. Votre poésie, vos mots égrenés comme un chapelet de douceurs m’ont permis de tenir encore.

   

Voici maintenant venu le moment de vous avouer la raison de ma missive.

Je savais que le soldat qui serait chargé de vous rapporter ce funeste événement mettrait sans doute plusieurs semaines à arriver jusqu’à vous. Je ne supportais pas l’idée de vous savoir pétrie d’angoisse, hurlant votre solitude à la lune, pleurant votre détresse d’être sans nouvelles. Alors j’ai relu vos lettres, je me suis souvenu de ce que Victor disait dans les siennes lorsqu’il me les lisait avant de les envoyer. J’ai pris ma plume et j’ai commencé à vous écrire en son nom… Vous souvenez vous lorsque Victor vous a dit qu’il dictait à son compagnon car une vilaine entorse le privait de l’usage de sa main ?... Et bien ce fut ma première lettre.

 

Je sais que vous allez m’en vouloir et peut-être même que vous ne voudrez plus jamais entendre parler de moi. Je sais que votre affliction n’aura d’égale que l’immensité du ciel. Sachez toutefois que je me tiens à votre entière disposition, que si vous avez besoin de quoi que ce soit vous pouvez me le demander. Et même si vous voulez écrire encore, raconter cet enfant qui grandit en vous, symbole de l’Amour que Victor vous portait, je suis là…

Pardonnez-moi, je voulais juste vous épargner plus de chagrin.

Victor vit encore en nous, en vous et son Amour sera toujours présent dans les cieux pour veiller sur vous et votre enfant.

 

Bien à vous.

 

René Dumant

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commentaires

S
Merci à vous fidèles lecteurs ;-) Vous m'avez donné envie d'écrire plus encore. Je me suis acheté des carnets moleskine pour mettre sur papier mes idées et une histoire est en train de naître...<br /> Chut !
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M
Quelle tristesse, cette fin aussi horrible que cette guerre a été cruelle. Comment se reconstruire après ça. Merci Sonia.
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S
ouha!!!!! je reste sans voix. c'est émouvant, beau, jusqu'à maintenant je ne lisais que de tps en tps, mais là j'ai voulu en lire plus, tu devrais te trouver un éditeur, c'est une pure merveille.<br /> le style, les mots que tu couches sur la feuille, tout est .... je ne trouve pas les mots pour te dire combien j aime ce que tu écris, bravo bravo, continue de nous enchanter par tes mots
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S
QUEL DENOUEMENT!!! jen reste koi... ce fut tres emouvant quelle belle histoire merci a l Auteur
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